Quelle était la durée du temps de travail d’un gardien de camp de concentration ? Préférait-il jouer aux cartes, pratiquer la boxe ou se délasser en lisant un roman policier ? Sa famille vivait-elle avec lui ? Il n’existait aucune étude systématique des gardiennes et des gardiens.
A partir des archives de la SS et des dossiers constitués après 1945 lors de l’épuration, Fabrice d’Almeida reconstitue la stratégie de gestion des ressources humaines que Himmler et ses adjoints ont mise en œuvre, non seulement pour permettre aux bourreaux d’accomplir leur office, mais surtout pour éviter qu’ils s’ennuient.
A Auschwitz, les gardiens n’ont pas seulement exterminé des femmes et des enfants, ils ont aussi tué le temps. Les tueurs nazis ont joui de loisirs savamment organisés alors qu’à la même époque les surveillants du Goulag étaient laissés dans une condition à peine supérieure à celle des détenus.
En adoptant l’angle de vue des tueurs, le livre ne prétend pas excuser leur crime. Mais ce regard dérangeant dévoile le management de l’entreprise SS et les choix des leaders nazis dont l’ambition était de donner à leurs auxiliaires une vie agréable. Jeux, lectures, cinémas, théâtres, bordel et vie de famille : le temps libre était pensé dans le détail. Tout cela banalisait la nature du «travail».
Fabrice d’Almeida est professeur à Paris-II et à l’Institut français de presse. Il a notamment publié La Vie mondaine sous le nazisme (Perrin, 2006) et présenté les mémoires inédites de Carl Schrade, Le Vétéran (Fayard, 2011). Il anime "La case du siècle", consacrée aux documentaires historiques, sur France 5.