Pour des Français, entendre Warren Buffett ou Bill Gates appeler les plus grandes fortunes mondiales à suivre leur exemple en donnant la majeure partie de leurs richesses à des œuvres caritatives a de quoi étonner. Pourtant, cet appel s’inscrit dans une tradition séculaire de la vie politique américaine : la philanthropie. Depuis le début du XXe siècle, dans le sillage des Rockefeller, Carnegie et autres Ford, la réussite outre-Atlantique s’accompagne d’un impératif philanthropique. Il ne s’agit pas seulement de donner à des « bonnes œuvres », mais de participer à des investissements dans le cadre d’actions politiques d’envergure. Si l’objectif affiché par les généreux mécènes est toujours la recherche du bien commun, leurs motivations et l’affectation de leurs dons varient cependant en fonction de leurs valeurs et de leurs engagements. Au-delà des riches magnats de l’industrie, ce sont surtout des millions d’Américains qui, chacun selon ses moyens, se sont engagés depuis plus d’un siècle dans la philanthropie, permettant de parler à partir des années 1950 d’un « don de masse ». Cet afflux d’argent est tel qu’il a largement façonné la politique culturelle et sociale des États-Unis, ainsi qu’une grande partie de leur recherche – autant de champs d’action qui, en Europe, relèvent de l’intervention étatique.
Avec une grande clarté et un vrai sens du récit, Olivier Zunz nous raconte ici les liens uniques qui unissent l’argent privé et les affaires d’État, cette tradition singulière qui a fait l’histoire des États-Unis. Olivier Zunz est professeur d’histoire des États-Unis à l’université de Virginie. Il a notamment publié Le Siècle américain (Fayard, 2000).