Ce volume nous fait parcourir l'une des périodes les plus chargées de notre histoire. De la fin du règne de Louis XV, on passe sans trop de heurts à celui de Louis XVI, puis, par une brusque accélération, à la Révolution, au Consulat, à l'Empire. S'il occupe toujours une place éminente, Jean-Baptiste de Sade semble ne plus exister que dans son rapport à ce fils, tant chéri et si violemment rejeté, dont il ne cherche plus qu'à se défaire. De préférence par un mariage qui mettrait dans le droit chemin cette " tête allumée " qui court les filles de garnison en garnison. Des marchandages matrimoniaux, du peu d'empressement, et des premières frasques du jeune époux, on trouve ici des témoignages de première main. Bientôt l'indomptable Donatien, qui paraît se précipiter au-devant des périls, se trouve brisé dans sa course: une lettre de cachet l'expédie à Vincennes puis à la Bastille. De ses gémissements pendant treize années, nous ne percevons que des échos assourdis à travers le chuchotement de deux femmes, la mère et la fille, l'altière Présidente et la douce Pélagie, aussi soumise à sa mère qu'à son époux. La Révolution peut tempêter tant qu'elle voudra. Nul ne s'en émeut. Rien ne se passe de vraiment grave chez les Sade entre 1789 et 1795. Rien, si ce n'est la farce héroï-comico-patriotique du marquis sans-culotte.
Une nouvelle génération survient. L'an 1799 n'est pas encore achevé que les " infâmes marmots " occupent le devant de la scène. Voici Donatien Claude Armand, fils cadet du marquis, passé dans l'armée de Condé puis celle du tsar et qui épouse une cousine. Il finira notable de province. Heureusement, il y a l'aîné! Louis Marie sera toujours le préféré de son père. C'est le plus doué, le plus séduisant, le plus proche de lui, tant par la nature et la culture que par les goûts. Imaginatif, artiste, lecteur insatiable et dissipateur impénitent, il souffre de ce mal de vivre à quoi se reconnaît l'âme romantique. A défaut de comprendre le malaise filial _ il est trop homme des Lumières pour cela _, le marquis en décrit les manifestations avec une frappante justesse. Il y aura entre eux des scènes violentes, mais le mépris n'y aura jamais de part (ces mésententes ne sont d'ailleurs pas sans rappeler celles de Donatien avec son propre père). Enfant du siècle porté à la rêverie mais libertin avoué, Louis Marie jette sur son entourage un regard sans complaisance: l'égoïsme de son père, la faiblesse de sa mère, la sottise de sa soeur, l'hypocrisie de son frère, la rapacité de ses oncles et tantes, tout cela fait partie de ce qu'il appelle " notre infernale famille ".
Le 2 décembre 1814, lorsque Donatien s'éteint, les correspondances demeurent muettes: pas une seule lettre, pas la moindre note. N'avait-il pas souhaité que toute trace de lui disparaisse ajoutant: " Comme je me flatte que ma mémoire s'effacera de l'esprit des hommes. " Mais en cela il n'a pas été entendu...
Directeur de recherche au CNRS, auteur de Le Sceptre et la Marotte (Fayard, 1983) et des Bûchers de Sodome (1985), Maurice Lever a publié une biographie de Sade désignée par Bernard Pivot et l'équipe de Lire comme le " meilleur livre de l'année 1991 ". Il a également établi l'édition du Journal d'Italie (Fayard, 1995), qui constitue le tome 6 de la " Bibliothèque Sade ".
Une nouvelle génération survient. L'an 1799 n'est pas encore achevé que les " infâmes marmots " occupent le devant de la scène. Voici Donatien Claude Armand, fils cadet du marquis, passé dans l'armée de Condé puis celle du tsar et qui épouse une cousine. Il finira notable de province. Heureusement, il y a l'aîné! Louis Marie sera toujours le préféré de son père. C'est le plus doué, le plus séduisant, le plus proche de lui, tant par la nature et la culture que par les goûts. Imaginatif, artiste, lecteur insatiable et dissipateur impénitent, il souffre de ce mal de vivre à quoi se reconnaît l'âme romantique. A défaut de comprendre le malaise filial _ il est trop homme des Lumières pour cela _, le marquis en décrit les manifestations avec une frappante justesse. Il y aura entre eux des scènes violentes, mais le mépris n'y aura jamais de part (ces mésententes ne sont d'ailleurs pas sans rappeler celles de Donatien avec son propre père). Enfant du siècle porté à la rêverie mais libertin avoué, Louis Marie jette sur son entourage un regard sans complaisance: l'égoïsme de son père, la faiblesse de sa mère, la sottise de sa soeur, l'hypocrisie de son frère, la rapacité de ses oncles et tantes, tout cela fait partie de ce qu'il appelle " notre infernale famille ".
Le 2 décembre 1814, lorsque Donatien s'éteint, les correspondances demeurent muettes: pas une seule lettre, pas la moindre note. N'avait-il pas souhaité que toute trace de lui disparaisse ajoutant: " Comme je me flatte que ma mémoire s'effacera de l'esprit des hommes. " Mais en cela il n'a pas été entendu...
Directeur de recherche au CNRS, auteur de Le Sceptre et la Marotte (Fayard, 1983) et des Bûchers de Sodome (1985), Maurice Lever a publié une biographie de Sade désignée par Bernard Pivot et l'équipe de Lire comme le " meilleur livre de l'année 1991 ". Il a également établi l'édition du Journal d'Italie (Fayard, 1995), qui constitue le tome 6 de la " Bibliothèque Sade ".