À quelles conditions peut-on tenter d'écrire une histoire économique du monde romain ? La première est, bien évidemment, d'essayer de comprendre la perception que pouvaient avoir de l'"économie" les acteurs de la vie collective de l'époque. Et les moyens qu'ils employaient pour évaluer (de quelle manière ?) leur propre nombre, leurs ressources, la valeur et l'usage de leur monnaie, leurs besoins collectifs, etc. Ce livre se propose d'abord d'identifier les procédures de recensement romain (le census), plus perfectionnées qu'on le dit et significatives des corrections que le politique et le social peuvent imposer à l'économique. Ensuite, les conceptions - explicites ou implicites - de la monnaie (dans une économie à monnaie métallique) et leurs rapports avec le droit, ainsi que les crises financières. Puis, l'obligation où se trouvaient les cités antiques d'assurer, par tous les moyens, le ravitaillement des masses urbaines : elle a pris à Rome, mégapole par ses dimensions et cité conquérante et dominante, des proportions inégalées et a joué un rôle déterminant dans les révolutions politiques qui ont abouti à l'Empire. Enfin, s'est également développée, sur une échelle jamais encore atteinte, une procédure particulière de perception des revenus fiscaux, leur « prise à ferme » par des entrepreneurs privés, les publicains, organisés, pendant plus de deux siècles, en puissantes sociétés, dont certaines quasi "anonymes", ce qui, bien entendu, n'a pas été sans effet.
De ces études concernant ces quatre faits, en multipliant les points de vue, c'est en fin de compte le caractère bureaucratique de cette « économie politique » qui ressort le plus fortement. Se vérifient ainsi, d'une certaine manière, les débats historiographiques du XIXe siècle français qui, s'ils attribuaient aux invasions germaniques l'invention de la liberté, reconnaissaient pourtant que seule Rome avait su poser les bases rationnelles du gouvernement du monde - au prix du despotisme, il est vrai.
Membre de l'Institut, ancien directeur de l'École française de Rome, Claude Nicolet est professeur émérite à la Sorbonne et directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études (IV section). Il a publié de nombreux ouvrages d'histoire romaine, en particulier L'Ordre équestre à l'époque républicaine (2 vol., 1966 et 1974), Les Structures de l'Italie romaine (1977), Le Métier de citoyen dans la Rome républicaine (1976), L'Inventaire du monde (1988), Rendre à César (1988). Dans le domaine de l'histoire contemporaine aussi il est l'auteur de livres majeurs, dont L'Idée républicaine en France, 1789-1924 (1982).
De ces études concernant ces quatre faits, en multipliant les points de vue, c'est en fin de compte le caractère bureaucratique de cette « économie politique » qui ressort le plus fortement. Se vérifient ainsi, d'une certaine manière, les débats historiographiques du XIXe siècle français qui, s'ils attribuaient aux invasions germaniques l'invention de la liberté, reconnaissaient pourtant que seule Rome avait su poser les bases rationnelles du gouvernement du monde - au prix du despotisme, il est vrai.
Membre de l'Institut, ancien directeur de l'École française de Rome, Claude Nicolet est professeur émérite à la Sorbonne et directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études (IV section). Il a publié de nombreux ouvrages d'histoire romaine, en particulier L'Ordre équestre à l'époque républicaine (2 vol., 1966 et 1974), Les Structures de l'Italie romaine (1977), Le Métier de citoyen dans la Rome républicaine (1976), L'Inventaire du monde (1988), Rendre à César (1988). Dans le domaine de l'histoire contemporaine aussi il est l'auteur de livres majeurs, dont L'Idée républicaine en France, 1789-1924 (1982).