Éric Rouleau a été l’un des journalistes les plus fameux de sa génération, vraisemblablement le journaliste français le plus connu internationalement. Son statut, il le doit à un parcours exceptionnel qui débute lorsque Hubert Beuve-Méry, directeur du Monde, lui confie les affaires du Proche et du Moyen-Orient. En 1963, il est invité par Gamal Abdel Nasser à l’interviewer au Caire. Il n’est pas dupe de la manœuvre. Si Nasser est passé par lui, lui le jeune Juif arabophone expulsé d’Égypte en 1951, peu avant le coup d’État des « officiers libres », c’est pour renouer avec la France de De Gaulle, qui n’a plus de relations diplomatiques avec Le Caire. Cet entretien exclusif, dont le « scoop » fait aussitôt le tour du monde, va le propulser au cœur des conflits de la région deux décennies durant. Alternant ses correspondances entre Le Caire et Jérusalem, le journaliste fut un témoin majeur des guerres de 67 et de 73, dont il raconte les coulisses. Il en rencontra tous les acteurs : Nasser, Levi Eshkol, Moshe Dayan, Golda Meir, Yasser Arafat, Ariel Sharon, Anouar el-Sadate, etc., dont il donne des portraits saisissants. Plus que des mémoires, son livre constitue une histoire, vécue de l’intérieur, du conflit israélo-palestinien.
Quand il commence à collaborer à la rédaction du Monde, en 1955, âgé d’à peine trente ans, il est un jeune journaliste juif qui a été expulsé d’Égypte, son pays natal, quelques années plus tôt. D’obédience marxiste, il s’était fait remarquer, en publiant notamment une interview d’Hassan el-Banna en 1949, avant que le fondateur des Frères musulmans ne soit assassiné. Après 1983, Éric Rouleau débute une carrière d’ambassadeur. Il a collaboré à de nombreuses publications européennes et américaines et a été membre du Council on Foreign Relations de New York.