Derrière cette phrase qui pourrait passer pour romantique se cache en réalité le drame de toute une vie, car cette phrase, c’est celle d’un fils qui s’adresse à sa mère.
Avec des décennies de recul, un homme revient sur les traces de son enfance et de son adolescence, dans la salle des pas perdus de la gare Saint-Lazare, les rues populeuses alentour, les cafés où les banlieusards boivent debout au comptoir avant d’attraper leur train. Habitant de la première couronne, c’était sa porte d’entrée dans Paris. A moins que la gare n’ait en somme représenté à ses yeux la ville tout entière? C’est de là qu’il partait pour l’internat. Ou vers des familles d’accueil. Là qu’il errait avec un ami pour éviter de rentrer chez cette mère qui n’était pas toujours contente de le voir. Là qu’il est tombé amoureux d’une vendeuse à la sauvette qui aimait se moquer gentiment de lui.
Autour de lui, mille vies que son regard d’enfant meurtri lui fait voir avec une acuité particulière. Comme si la contemplation du monde en condensé que sont toutes les gares lui avait toujours tenu lieu de refuge, et offert l’espoir d’une réconciliation.
Dominique Fabre est l’auteur de nombreux romans d’où la gare Saint-Lazare n’est jamais totalement absente. Sous sa plume, on comprend que "ceux qui ne sont rien" sont au contraire la chair de l’humanité.