Dans ce récit mêlant plaisirs et destinées tragiques, François Buot bouscule l’idée d’un « gay Paris » dominé de 1900 à 1940 par une communauté discrète, repliée sur elle-même – hormis quelques vedettes sur le devant de la scène. Pendant quarante ans, profitant d’une législation particulièrement tolérante, le « gay Paris » s’affiche jour et nuit. Invertis, lesbiennes ou travestis investissent les music-halls et les dancings, racolent dans les jardins publics, animent de nombreux bals de quartier et se retrouvent dans les promenoirs de théâtres, les bains publics ou les maisons closes… Ils inventent un mode de vie, une nouvelle culture, tout en restant vigilants face à l’homophobie toujours vivace. Ce monde interlope n’a pas de réflexe « communautariste », mais paraît au contraire bien intégré dans le Paris populaire et festif. Les écrivains de Carco à Genet s’en inspirent pour leurs romans et les intellectuels d’avant-garde s’affrontent sur l’homosexualité. Exploitant de nombreux documents souvent inédits comme les rapports de la brigade mondaine, les lettres anonymes, la presse à sensation et la littérature populaire, François Buot retrace avec talent l’histoire du Paris interlope avec ses lieux et ses codes, à une époque qui contraste singulièrement avec la répression des décennies suivantes. Agrégé d’histoire, François Buot est spécialiste de la période surréaliste. Auteur de plusieurs biographies, on lui doit notamment celle de René Crevel (Grasset, 1991) et celle de Nancy Cunard (Fayard, 2008).