A l'image du tango qu'elle a vu naître et des labyrinthes chers à Jorge Luis Borges, Buenos Aires est une ville mythique. Dès sa fondation, son histoire est jalonnée de disparitions que les légendes ou la poésie viendront combler jusqu'à se confondre avec elle. Les premiers Espagnols doivent l'abandonner en 1536, peu après l'avoir fait surgir du néant. La bourgade renaît, à l'orée de la pampa, vivant de la chasse au bétail ensauvagé et de la contrebande. Longtemps capitale des gauchos, elle devient en 1778, celle du vice-royaume du Río de la Plata, puis le berceau de la révolution des peuples sud-américains contre l'Espagne.
La toute jeune capitale de l'Argentine, avec ses rues tirées au cordeau, est une ville immense, dont le rayonnement intellectuel ne s'éteindra qu'au temps des dictatures. C'est une ville cosmopolite où d'innombrables Européens cherchent à faire fortune et où toutes les races de la terre viennent se fondre. Bientôt, les enfants d'immigrés et les marginaux s'identifient à Gardel, un enfant de Toulouse, grâce auquel le tango conquiert un public international. Au fil des siècles, bien d'autres personnages charismatiques suscitent la faveur des Portègnes: San Martín le libertador, Rosas le pourfendeur de l'impérialisme européen, Evita Perón la tant aimée, Diego Maradona, idole d'une Argentine triomphante.
En 1976, la ville qui avait donné à des millions d'hommes un sol et des rêves sombre dans les ténèbres. Commence alors l'opération " Grand Silence " au cours de laquelle trente mille personnes disparaissent. " Mais y a-t-il un oubli qui ne contienne un souvenir? " demande Roberto Juarroz. Les mères de la place de Mai n'oublieront jamais, elles qui pendant près de vingt ans se sont battues pour connaître la vérité.
Car le voyageur qui s'enfuit
tôt ou tard s'arrête en chemin
et si l'oubli qui détruit tout
a tué mes rêves d'autrefois,
il y a cachée en moi une humble lueur
la seule fortune qu'a gardée mon coeur.
Volver, tango d'Alfredo Le Pera, chanté par Carlos Gardel, 1932
Parcourir Buenos Aires n'est pas marcher, c'est jouer aux dames avec ses pieds.
Albert Londres, 1927
Je me précipitai dans les rues à la recherche des amis qui seraient prêts à défendre Pérón. J'ai parcouru tous les quartiers de la grande ville. C'est à cette occasion que j'ai découvert la chaîne des coeurs qui battent sous le ciel de mon pays.
Eva Pérón,
La Raison de ma vie, 1951
Nous sommes à la fin d'une civilisation et dans un de ses confins.
Ernesto Sábato, 1973
Carmen Bernand qui a vécu vingt-cinq ans à Buenos Aires est anthropologue. Elle est l'auteur avec Serge Gruzinski de l'Histoire du Nouveau Monde (t. I: De la Découverte à la conquête; t. II: Les Métissages).
La toute jeune capitale de l'Argentine, avec ses rues tirées au cordeau, est une ville immense, dont le rayonnement intellectuel ne s'éteindra qu'au temps des dictatures. C'est une ville cosmopolite où d'innombrables Européens cherchent à faire fortune et où toutes les races de la terre viennent se fondre. Bientôt, les enfants d'immigrés et les marginaux s'identifient à Gardel, un enfant de Toulouse, grâce auquel le tango conquiert un public international. Au fil des siècles, bien d'autres personnages charismatiques suscitent la faveur des Portègnes: San Martín le libertador, Rosas le pourfendeur de l'impérialisme européen, Evita Perón la tant aimée, Diego Maradona, idole d'une Argentine triomphante.
En 1976, la ville qui avait donné à des millions d'hommes un sol et des rêves sombre dans les ténèbres. Commence alors l'opération " Grand Silence " au cours de laquelle trente mille personnes disparaissent. " Mais y a-t-il un oubli qui ne contienne un souvenir? " demande Roberto Juarroz. Les mères de la place de Mai n'oublieront jamais, elles qui pendant près de vingt ans se sont battues pour connaître la vérité.
Car le voyageur qui s'enfuit
tôt ou tard s'arrête en chemin
et si l'oubli qui détruit tout
a tué mes rêves d'autrefois,
il y a cachée en moi une humble lueur
la seule fortune qu'a gardée mon coeur.
Volver, tango d'Alfredo Le Pera, chanté par Carlos Gardel, 1932
Parcourir Buenos Aires n'est pas marcher, c'est jouer aux dames avec ses pieds.
Albert Londres, 1927
Je me précipitai dans les rues à la recherche des amis qui seraient prêts à défendre Pérón. J'ai parcouru tous les quartiers de la grande ville. C'est à cette occasion que j'ai découvert la chaîne des coeurs qui battent sous le ciel de mon pays.
Eva Pérón,
La Raison de ma vie, 1951
Nous sommes à la fin d'une civilisation et dans un de ses confins.
Ernesto Sábato, 1973
Carmen Bernand qui a vécu vingt-cinq ans à Buenos Aires est anthropologue. Elle est l'auteur avec Serge Gruzinski de l'Histoire du Nouveau Monde (t. I: De la Découverte à la conquête; t. II: Les Métissages).