Rigoureuse indépendance vis-à-vis du pouvoir politique et formation très poussée, moyens matériels efficaces, tout cela, certes, est indispensable au corps judiciaire pour répondre aux demandes croissantes d'une société sans cesse plus complexe, qui tolère mal l'injustice (ou ce qu'elle tient pour tel) et dont les membres réclament de plus en plus qu'une tierce autorité les départage en cas de conflit. Encore faut-il que le magistrat qu'il soit agent de la société (procureur) ou bien organe de la loi (juge) sache que l'impartialité ne procède que de lui seul. Il doit se savoir dépendant d'abord de son milieu, de ses croyances, de ses amitiés, de ses inimitiés ; il doit être conscient des effets inattendus, parfois dévastateurs de la violence qu'il est chargé d'exercer ; enfin, il doit concilier l'irresponsabilité que son statut organise et se sentir responsable des sanctions qu'il est amené à prendre. Conditions ô combien difficiles à remplir.
Pierre Truche a accompli une grande carrière dans la magistrature : il a été le « premier magistrat de France » en occupant de 1996 à 1999 le poste de premier président de la Cour de cassation, après une longue activité de procureur. Il a en outre été directeur des études à l'Ecole nationale de la magistrature (1974-1978), membre de la Commission Justice pénale et droits de l'homme en 1991, président du Comité de réflexion sur la création d'un tribunal international appelé à juger les crimes commis dans l'ex-Yougoslavie en 1993 et président de la Commission de réflexion sur la justice en 1997. C'est à la fois en humaniste et en expert qu'il s'interroge ici sur ce qu'aujourd'hui la nouvelle donne sociale requiert des hommes et des femmes qui rendent la justice.