Pourquoi doit-on donner, pourquoi doit-on accepter ce que l'on vous donne, et, quand on a accepté, pourquoi faut-il rendre?
Cet ouvrage évalue le rôle et l'importance du don dans le fonctionnement des sociétés et dans la constitution du lien social.
Le terrain, bien entendu, n'était pas vierge: Marcel Mauss, le premier, l'avait défriché allant jusqu'à avancer l'idée que si les choses données sont rendues c'est qu'il y a dans la chose donnée un esprit qui la pousse à revenir entre les mains de son donateur originaire. L'hypothèse valut à Mauss la critique sévère de Claude Lévi-Strauss, qui lui reprocha d'avoir pris une théorie indigène pour une théorie scientifique et d'avoir manqué de reconnaître pleinement le fait que la société humaine entière est échange et que pour en comprendre le sens il faut partir du symbolique et de sa primauté sur l'imaginaire et le réel.
La perspective générale adoptée par Maurice Godelier renouvelle profondément notre compréhension du don. Il analyse en effet les choses qu'on donne ou celles qu'on vend à partir des choses qu'on ne donne pas ou ne vend pas, des choses qu'on garde et que l'on doit garder, au premier rang desquelles les objets sacrés. Réanalysant les pratiques du potlatch et du kula sur lesquelles Mauss s'était appuyé, il montre que les énigmes auxquelles Mauss a été confronté se dissipent lorsque l'on comprend qu'il est tout à la fois possible de donner un objet et de le garder. Ce qui est donné, c'est le droit d'en user pour d'autres dons, ce qui est gardé c'est la propriété, inaliénable. Mais il faut encore expliquer pourquoi cette règle de droit s'applique aux objets précieux qu'on donne et non aux objets sacrés qu'on garde. La chose s'éclaire lorsqu'on fait apparaître ce qui est enfoui dans l'objet, l'imaginaire associé au pouvoir.
Il apparaît donc que toute société renferme deux ensembles de réalités: les unes, soustraites à l'échange, aux dons, au marché, constituent autant de point fixes nécessaires pour que les autres circulent. Et c'est précisément la redéfinition des ancrages fondamentaux du fait social qui constitue la tâche majeure de la pensée politique aujourd'hui.
Ancien directeur scientifique du Département des sciences de l'homme et de la société du CNRS, Prix international Alexander von Humboldt en sciences sociales, Maurice Godelier est directeur d'études à l'EHESS où il dirige le Centre de recherche et de documentation sur l'Océanie. Il a publié deux livres chez Fayard: La Production des Grands Hommes (1982), qui a reçu le Prix de l'Académie française, et L'Idéel et le matériel: Pensée, économies, sociétés (1984).
Cet ouvrage évalue le rôle et l'importance du don dans le fonctionnement des sociétés et dans la constitution du lien social.
Le terrain, bien entendu, n'était pas vierge: Marcel Mauss, le premier, l'avait défriché allant jusqu'à avancer l'idée que si les choses données sont rendues c'est qu'il y a dans la chose donnée un esprit qui la pousse à revenir entre les mains de son donateur originaire. L'hypothèse valut à Mauss la critique sévère de Claude Lévi-Strauss, qui lui reprocha d'avoir pris une théorie indigène pour une théorie scientifique et d'avoir manqué de reconnaître pleinement le fait que la société humaine entière est échange et que pour en comprendre le sens il faut partir du symbolique et de sa primauté sur l'imaginaire et le réel.
La perspective générale adoptée par Maurice Godelier renouvelle profondément notre compréhension du don. Il analyse en effet les choses qu'on donne ou celles qu'on vend à partir des choses qu'on ne donne pas ou ne vend pas, des choses qu'on garde et que l'on doit garder, au premier rang desquelles les objets sacrés. Réanalysant les pratiques du potlatch et du kula sur lesquelles Mauss s'était appuyé, il montre que les énigmes auxquelles Mauss a été confronté se dissipent lorsque l'on comprend qu'il est tout à la fois possible de donner un objet et de le garder. Ce qui est donné, c'est le droit d'en user pour d'autres dons, ce qui est gardé c'est la propriété, inaliénable. Mais il faut encore expliquer pourquoi cette règle de droit s'applique aux objets précieux qu'on donne et non aux objets sacrés qu'on garde. La chose s'éclaire lorsqu'on fait apparaître ce qui est enfoui dans l'objet, l'imaginaire associé au pouvoir.
Il apparaît donc que toute société renferme deux ensembles de réalités: les unes, soustraites à l'échange, aux dons, au marché, constituent autant de point fixes nécessaires pour que les autres circulent. Et c'est précisément la redéfinition des ancrages fondamentaux du fait social qui constitue la tâche majeure de la pensée politique aujourd'hui.
Ancien directeur scientifique du Département des sciences de l'homme et de la société du CNRS, Prix international Alexander von Humboldt en sciences sociales, Maurice Godelier est directeur d'études à l'EHESS où il dirige le Centre de recherche et de documentation sur l'Océanie. Il a publié deux livres chez Fayard: La Production des Grands Hommes (1982), qui a reçu le Prix de l'Académie française, et L'Idéel et le matériel: Pensée, économies, sociétés (1984).