" Mon père s'insurgeait contre toutes les formes de censure. Mes frères, mes soeurs, mon beau-frère, d'une seule voix lui faisaient écho. La liberté d'expression, l'objection de conscience, le respect de la dignité humaine, la transparence coûte que coûte: autant de nobles causes qui soulevaient leur indignation à grand renfort de phrases lapidaires et définitives dès qu'elles étaient bafouées.
Pendant ce temps, ma mère lavait et repassait le linge de ses dix enfants et de son intellectuel de mari en maudissant le ciel de l'avoir rendue si féconde.
C'est sous ce toit que, sixième enfant, j'ai appris le mensonge d'une double vie. Depuis l'âge de sept ans j'ai dû cacher ma honte, qui était également celle de mes trois frères aînés. Durant des années, nous avons partagé un même secret sur nos relations incestueuses. Alors, écouter ce petit monde parler de liberté d'expression en refoulant ce que je savais de nos tromperies et de notre détresse a failli me rendre folle. J'aurais voulu hurler, briser ce silence complice, mais les regards m'intimaient l'ordre de me taire.
Si, dix ans après la publication de L'Intérimaire, je n'avais été à nouveau muselée par frères, belles-soeurs, beau-frère et parentèle le jour de l'enterrement du père, je n'éprouvais pas ce soulagement de voir rééditer ce roman où je livre ma solitude, mes espoirs, mes amours toujours coupables, la recherche éperdue de ma vérité. "
B.L.
Pendant ce temps, ma mère lavait et repassait le linge de ses dix enfants et de son intellectuel de mari en maudissant le ciel de l'avoir rendue si féconde.
C'est sous ce toit que, sixième enfant, j'ai appris le mensonge d'une double vie. Depuis l'âge de sept ans j'ai dû cacher ma honte, qui était également celle de mes trois frères aînés. Durant des années, nous avons partagé un même secret sur nos relations incestueuses. Alors, écouter ce petit monde parler de liberté d'expression en refoulant ce que je savais de nos tromperies et de notre détresse a failli me rendre folle. J'aurais voulu hurler, briser ce silence complice, mais les regards m'intimaient l'ordre de me taire.
Si, dix ans après la publication de L'Intérimaire, je n'avais été à nouveau muselée par frères, belles-soeurs, beau-frère et parentèle le jour de l'enterrement du père, je n'éprouvais pas ce soulagement de voir rééditer ce roman où je livre ma solitude, mes espoirs, mes amours toujours coupables, la recherche éperdue de ma vérité. "
B.L.