Lorsqu’on évoque la loi de 1905, les idées qui lui sont immédiatement associés affluent : c’est la loi de la laïcité, c’est la loi qui interdit à la République de financer la religion et de s’immiscer dans les questions religieuses. Or les choses sont bien plus compliquées. D’ailleurs, cette fameuse loi dont tout le monde parle, invoquée par les uns et par les autres, qui l’a lue ? Et ceux qui l’ont lue, à quel texte, si souvent modifié, se réfèrent-ils ? En réalité, nul n’était plus capable de dire quel était l’état présent de la loi.
Depuis plusieurs décennies, je scrute la loi promulguée le 9 décembre 1905, dite loi de séparation des Églises et de l’État. Avec cette étude fondée sur l’abondante documentation réunie avec mon ami Maurice Gelbard, instituteur retraité, j’entraine le lecteur dans une analyse littérale des textes, à travers le dédale de la cinquantaine de modifications réalisées au fil du siècle. Il en ressort une certitude : cette loi que nous mythifions a non seulement institué un nouveau régime fait de grands principes et de particularités (songeons à l’outre-mer), mais aussi elle a créée une « liberté moderne », dont ni l’État, ni l’Église, ni personne n’avait l’expérience.
Émile Poulat