Les Français n’ont été ni sourds ni muets quant à l’extermination des Juifs. Non, il ne leur a pas fallu trente ou quarante ans pour accepter de saisir le plus grand crime de l’histoire. Dès le lendemain de la guerre, les élites ont élaboré une véritable pensée du génocide où les catholiques et les protestants ont eu une part immense, dont on n’avait pas pris la mesure jusqu’ici. Les intellectuels de tout bord ont été pris à la gorge par la spécificité de ce phénomène. Bien sûr, la culpabilité a joué un rôle, mais contrairement à une idée reçue, elle a été assumée, proférée, et c’est elle qui a animé le mouvement de réception de l’événement et sa progressive extension à tout le corps social. Lorsque, en 1967, la guerre des Six-Jours éclate, elle rencontre une opinion publique déjà très bien instruite et sensibilisée au drame des Juifs par vingt années de romans, de films, de récits, de témoignages. Il y a eu en France un « syndrome de Vichy », mais pas de « syndrome de la Shoah ». Pourtant, quand, dans les années 1970 et 1980, le regard sur les années noires de Vichy a changé et qu’il est devenu moins bienveillant, un mythe global est né : celui d’une France malade de son passé et incapable de se regarder en face. En fait, la réalité est autre : si les Français ont occulté Vichy, ils n’ont pas occulté l’extermination des Juifs. Pour le prouver, François Azouvi livre ici la première étude systématique de tout ce qui a été écrit, publié ou produit en France sur la Shoah depuis 1945.
François Azouvi est directeur honoraire de recherche au CNRS et directeur honoraire d’études à l’EHESS. Il a publié récemment Descartes et la France. Histoire d’une passion nationale (Fayard) et La gloire de Bergson. Essai sur le magistère philosophique (Gallimard).