Sa joue était contre la mienne, ses yeux étaient clos, et son corps plié à ma hauteur. Il chantonnait maintenant la chanson sur le rythme d'un slow, et bientôt il s'est tu, et on a dansé dans le silence. Seules nos semelles contre le carrelage, et par moments le bruit de nos lèvres les unes contre les autres, à faire mal, et mon coeur qui battait fort. Il m'a fait glisser vers le comptoir sans que je m'en aperçoive, un vrai danseur professionnel, il a posé sa bouteille dessus et m'a fait regagner le milieu de la salle avec autant de délice que si on s'était baignés dans une eau de mer transparente, comme il y en a loin d'ici. Je sentais le soleil sur mes jambes, mes jambes sentaient celles d'Evguéni, Varko, le paradis existe ! Evguéni est un ange, Evguéni est un ange envoyé sur terre pour me dire que le paradis existe. Quand soudain il s'est effondré, d'un bloc, le front contre la crasse du carrelage, et a pleuré tout ce qu'il savait, je l'ai relevé aussi doucement que j'ai pu et je lui ai dit que le paradis existait. Il pleurait il pleurait, il jurait qu'il n'y arriverait pas, qu'il était fini, un minable, un moins que rien, plus un homme, même pas une femme, et qu'on était tous finis au village, moi j'ai fait non de la tête et lui ai redit que le paradis existait. "
Avec la pudeur de ceux qui savent écrire l'amour Vincent de Swarte nous livre un roman qui pousse à leur paroxysme des sentiments exacerbés par une catastrophe nucléaire.