L’automatisation, liée à l’économie des data, va déferler sur tous les secteurs de l’économie mondiale. Dans vingt ans, pas un n’aura été épargné. Les hommes politiques sont tétanisés par cette transformation imminente, qui va marquer le déclin de l’emploi – et donc du salariat. Faut-il s’en alarmer ? N’est-ce pas aussi une vraie bonne nouvelle ? Et si oui, à quelles conditions ?
Dans un dialogue très politique et prospectif avec Ariel Kyrou, Bernard Stiegler s’emploie à penser le phénomène qui, nous entraînant dans un déséquilibre toujours plus grand, nous place au pied du mur. La question de la production de valeur et de sa redistribution hors salaire se pose à neuf : c’est toute notre économie qui est à reconstruire – et c’est l’occasion d’opérer une transition de la société consumériste (la nôtre, celle de la gabegie, de l’exploitation et du chômage) vers une société contributive fondée sur un revenu contributif dont le régime des intermittents du spectacle fournit la matrice.
Cela suppose de repenser le travail de fond en comble pour le réinventer – comme production de différences redonnant son vrai sens à la richesse. Dans l’Anthropocène que domine l’entropie, et qui annonce la fin de la planète habitable, le travail réinventé doit annoncer et inaugurer l’ère du Néguanthropocène – où la néguentropie devient le critère de la valeur au service d’une toute autre économie.Bernard Stiegler est philosophe. Il vient de faire paraître La Société automatique, 1. L’avenir du travail (Fayard, 2015).
Ariel Kyrou est essayiste, rédacteur en chef du site Culture Mobile. Son dernier livre, écrit avec Mounir Fatmi : Ceci n’est pas un blasphème (Dernière Marge/Actes Sud, 2015).