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Jouons au portrait chinois. Si c'était un oiseau, ce serait un rapace. Un personnage historique? Ce serait Louis XIV. Un film? Touchez pas au grisbi. Un poisson? Ce serait un requin. Une couleur? L'or. Une pièce de théâtre? Volpone. Un objet usuel? La moulinette. Un tableau? Le Gentilhomme sévillan, de Murillo. Un livre? L'Assommoir. Un lieu? Les abattoirs de la Villette...

Qui distribue des pots-de-vin? Qui a le monopole des maisons de jeux et reçoit la plus grosse part de l'argent du vice? A qui les prostituées et les patrons de sex-shops remettent-ils une partie de leurs gains? Qui vend des armes et récolte de l'argent sur la drogue? Qui paye mal, mais séquestre ses débiteurs récalcitrants? Qui espionne et qui rançonne? Qui verse de l'argent noir et organise la corruption?

Le Code pénal est le catalogue de nos interdits. Tous les jours, des hommes et des femmes sont traînés devant les tribunaux pour avoir enfreint les lois. Tous les jours, l'Etat viole plus ou moins ouvertement les règles qu'il demande aux citoyens de respecter scrupuleusement.

L'Etat hors la loi n'est pas un mythe. Il est une pratique quotidienne. A la phrase sublime de Lacordaire: " Entre le pauvre et le riche, c'est la liberté qui opprime et la Loi qui affranchit ", il a substitué: " Entre le citoyen et l'Etat, c'est la loi qui opprime et l'Etat qui s'en affranchit. "
Jean-Marie Pontaut
Francis Szpiner