Une grande puissance peut en cacher une autre. Plus encore que la Chine, c’est l’Inde qui change la donne économique mondiale. Forte de bataillons d’informaticiens, consultants et autres cols blancs ultra-diplômés, elle mise d’emblée sur l’exportation de services à haute valeur ajoutée. L’Inde empiète donc sur ce que nous considérions, bien imprudemment, comme notre domaine réservé : la matière grise. Et le secret de son succès spectaculaire, c’est, tout simplement, l’inégalité, déjà inscrite dans le système des castes. Au cœur d’un pays pauvre, les brillants ingénieurs indiens peuvent vivre comme des nababs avec un salaire qui, une fois converti en euros, ne pèse pourtant pas lourd. Résultat, les emplois qualifiés se créent par centaines de milliers dans une Inde métamorphosée en eldorado. Comme Lakshmi Mittal, leur héros, des millions de jeunes Indiens ambitieux rêvent maintenant de partir à l’assaut de notre monde. Pour la middle class indienne éduquée, la mondialisation est une chance historique.
Un optimisme que les classes moyennes des pays développés ne peuvent partager. Parce que sans nous en rendre compte, nous importons, en même temps que les logiciels conçus à New Delhi ou Bangalore, les caractéristiques de la société indienne : l’élitisme et les inégalités. Ce qui se joue ici dépasse l’économie. Entre les Indiens et nous, la mondialisation crée un conflit inédit. Il est temps pour la France de se poser la question de l’Inde.