Le Huron ou l'Ingénu est certainement l'un des « contes » philosophiques les plus célèbres de François-Marie Arouet (1694-1778). En réalité, il s'agit d'un véritable petit roman, publié en 1767, dont Voltaire, par prudence, n'avoua pas la paternité. Il relate les « années d'apprentissage » d'un jeune homme élevé chez les Hurons, en Amérique, qui débarque en Bretagne. Il y est adopté, sous le nom d'Hercule Kerbabon, par un prieur et sa soeur. Ce « bon sauvage » manifeste franc-parler et intelligence naturelle : « Son entendement, n'ayant point été courbé par l'erreur, était demeuré dans toute sa rectitude. » Converti et baptisé, il tombe amoureux de sa marraine, que les lois de l'Église lui interdisent d'épouser. Malgré sa bravoure contre les envahisseurs anglais dans sa province, il n'obtient à la cour de Versailles ni récompense ni la dérogation souhaitée, mais... un emprisonnement à la Bastille. Son amante consent aux avances malhonnêtes d'un ministre afin de le faire libérer, mais meurt ensuite de honte et de désespoir. Le Huron sera dédommagé par une charge d'officier : « Le temps adoucit tout. » Sur le thème du bonheur rendu impossible par les conventions, la corruption et l'obscurantisme religieux, Voltaire mène ici une charge violente contre les jésuites, les jansénistes, les hommes politiques et les médecins.