Lorsque les troupes françaises débarquèrent à Alger en 1830, le territoire qui s’étendait devant eux leur était à peu près inconnu. Quelques récits de voyageurs, les traités des géographes antiques : le bagage était mince. La conquête allait commencer, mais aucun Français ne savait ce qu’était l’Algérie. Quelles étaient ses limites, à l’est et à l’ouest, en direction de la Tunisie et du Maroc ? Fallait-il se contenter d’occuper une bande de terre côtière ou pénétrer en direction du mystérieux Sahara ? Comment établir des frontières, dans les confins traversés par des populations nomades ? Et, dans l’immédiat, sur quelles cartes s’appuyer pour assurer le contrôle du territoire, identifier les populations locales et nommer les régions occupées ?
Mirages de la carte renouvelle en profondeur l’histoire de la conquête de l’Algérie, en suivant au plus près les travaux des géographes et des cartographes chargés d’arpenter ce territoire et d’en tracer les contours dans le sillage de l’armée. Hélène Blais montre que la géographie coloniale sert à prendre possession d’un territoire, aussi bien militairement que symboliquement, mais qu’elle ne se réduit pas à imposer une domination. En nous conviant à l'invention de l’Algérie coloniale, à la croisée des pratiques savantes et des ambitions impériales, ce livre original et novateur démontre brillamment comment l’histoire des savoirs peut renouveler celle des empires coloniaux.
Hélène Blais enseigne l'histoire contemporaine à l'université Paris Ouest-Nanterre et est membre du laboratoire IDHES (UMR 8533). Elle a publié Voyages au grand océan. Géographies du Pacifique et colonisation, 1815-1845 (CTHS, 2005) et dirigé plusieurs ouvrages sur l'histoire de la géographie et sur les savoirs en situation coloniale, notamment, avec Florence Deprest et Pierre Singaravélou, Territoires impériaux. Une histoire spatiale du fait colonial (Publications de la Sorbonne, 2011).