En philosophant dans l'acte de vivre et en oeuvrant ainsi à l'ouverture sapientiale de ceux qui l'entouraient, le non-philosophe grec Pyrrhon d'Élis (IVe siècle avant notre ère) offrait à la «science occidentale» le secret même de la «sagesse orientale» : la vacuité. Mais ce n'est pas d'une vacuité nécessairement bouddhiste qu'il est question ici. Celle que l'auteur effleure avec nostalgie n'est autre que l'essence de toute chose, une inconcevable pureté dont il chante l'évidence, à la vitesse de la révolte: rêvant de ressaisir l'insaisissable. La mémoire, l'hallucination, l'increvable désir de (se) transcender et la dérision tissent un merveilleux patch de poèmes, de réflexions et de citations éblouissants miroirs promis à atomiser l'ignorance. Portant à un extrême et audacieux degré d'incandescence lyrique le concept de vacuité, Patrick Carré retrouve le lien qui unit une certaine tradition philosophique occidentale visionnaire (Épicure, Spinoza, Nietzsche) à la tradition orientale fondée sur le contraire même du réalisme naïf et l'identité du voir et du savoir. Nostalgie de la vacuité est une réédition dûment amendée de l'Éloge de la vacuité paru en 1991 qui accompagnait le roman Yavana où Pyrrhon est rêvé plus en détail.