Pourquoi le filleul porte-t-il le prénom de son parrain? Pourquoi ne peut-on refuser un parrainage? Qui choisit-on comme parrain de ses enfants?
Les liens qui unissent aujourd'hui les parrains et leurs filleuls n'ont plus grand-chose à voir avec la parenté spirituelle telle qu'elle a été modelée au fil des siècles par la doctrine chrétienne mais aussi par la coutume. Longtemps, le baptême a été assimilé à une autre naissance: la cérémonie _ à laquelle la mère ne participait pas _ scellait le destin du nouveau-né puisqu'elle lui ouvrait la vie éternelle en effaçant la souillure du péché originel. Tels des parents en second, parrains et marraines étaient censés transmettre à l'enfant une partie de leur personnalité. Ils lui offraient des cadeaux rituels, l'aidaient à devenir un homme ou une femme accomplis et le conduisaient jusqu'au mariage. A ces devoirs répondaient ceux du filleul, l'un et l'autre étant liés jusque dans l'au-delà.
Les relations de compérage, qui unissaient les parents au parrain, ont disparu dans la plus grande partie de l'Europe avec la coutume de choisir parrains et marraines dans la parenté proche, mais elles restent vivantes dans les Balkans, en Italie méridionale et en Corse. Comparables à des fraternités rituelles, elles étaient l'occasion d'élargir les solidarités familiales en nouant de nouvelles alliances. Alliances d'autant plus indestructibles que la culture chrétienne a toujours considéré la parenté spirituelle comme supérieure à la parenté naturelle. Dès lors, enfreindre les règles de cette parenté, en particulier l'interdit de relations sexuelles entre compère et commère, revenait à s'élever contre le parrain du Christ, Jean-Baptiste: commettre " l'inceste spirituel " ne pouvait qu'attirer la colère du Ciel, comme l'illustrent d'innombrables contes et légendes.
En mettant en évidence le sens des gestes, des rites et des croyances liés au parrainage, ce livre montre aussi comment l'Europe chrétienne a façonné la représentation traditionnelle de la parenté naturelle.
Agnès Fine est professeur à l'Université de Toulouse-le-Mirail et chercheur au Centre d'anthropologie des sociétés rurales (CNRS/EHESS) de Toulouse.
Les liens qui unissent aujourd'hui les parrains et leurs filleuls n'ont plus grand-chose à voir avec la parenté spirituelle telle qu'elle a été modelée au fil des siècles par la doctrine chrétienne mais aussi par la coutume. Longtemps, le baptême a été assimilé à une autre naissance: la cérémonie _ à laquelle la mère ne participait pas _ scellait le destin du nouveau-né puisqu'elle lui ouvrait la vie éternelle en effaçant la souillure du péché originel. Tels des parents en second, parrains et marraines étaient censés transmettre à l'enfant une partie de leur personnalité. Ils lui offraient des cadeaux rituels, l'aidaient à devenir un homme ou une femme accomplis et le conduisaient jusqu'au mariage. A ces devoirs répondaient ceux du filleul, l'un et l'autre étant liés jusque dans l'au-delà.
Les relations de compérage, qui unissaient les parents au parrain, ont disparu dans la plus grande partie de l'Europe avec la coutume de choisir parrains et marraines dans la parenté proche, mais elles restent vivantes dans les Balkans, en Italie méridionale et en Corse. Comparables à des fraternités rituelles, elles étaient l'occasion d'élargir les solidarités familiales en nouant de nouvelles alliances. Alliances d'autant plus indestructibles que la culture chrétienne a toujours considéré la parenté spirituelle comme supérieure à la parenté naturelle. Dès lors, enfreindre les règles de cette parenté, en particulier l'interdit de relations sexuelles entre compère et commère, revenait à s'élever contre le parrain du Christ, Jean-Baptiste: commettre " l'inceste spirituel " ne pouvait qu'attirer la colère du Ciel, comme l'illustrent d'innombrables contes et légendes.
En mettant en évidence le sens des gestes, des rites et des croyances liés au parrainage, ce livre montre aussi comment l'Europe chrétienne a façonné la représentation traditionnelle de la parenté naturelle.
Agnès Fine est professeur à l'Université de Toulouse-le-Mirail et chercheur au Centre d'anthropologie des sociétés rurales (CNRS/EHESS) de Toulouse.