Un Journal nouveau plutôt qu'un nouveau Journal, c'est le sentiment que j'ai en ouvrant ce cahier. Certes, je ne tiens plus ces pages comme avant. La raison? La monotonie des événements, non en apparence, mais dans leurs profondeurs, devient ennuyeuse, on sait trop que c'est toujours la même médiocrité et que les sujets sont répétitifs. Mes lectures se réduisent à l'essentiel: les Evangiles, les poètes. Quant à la musique: on ne peut imposer aux mots de dire l'indicible, mais si je reprends sans cesse cette idée, elle finit par trahir une de mes préoccupations majeures. Et puis l'âge vient! Ce qui m'importe de plus en plus, c'est de savoir qui je suis, il reste en nous une part inconnue, un double qu'avec le temps nous finissons par deviner. Pourquoi ce compagnon de l'ombre? Qui est-il, attaché à notre moi profond comme l'ombre volée à Peter Schlemihl?
Julien Green, 2 janvier 1993
Julien Green, 2 janvier 1993