Des rapports entre le surréalisme et la musique, on connaît la saisissante image allégorique donnée par André Breton : « Que la nuit continue donc à tomber sur l’orchestre. » Pour le représentant de la pensée du surréalisme, seules les images suscitées par la peinture et la poésie sont aptes à donner accès aux représentations inconscientes et aux rêves ; l’expression musicale, jugée trop confusionnelle, ne peut rendre compte du modèle intérieur. Breton condamne ainsi la musique au nom d’un renversement des valeurs : le beau sera désormais ce qui se révèle lorsque l’artiste se penche vers le gouffre intérieur de l’inconscient. Pour autant, est-ce que le surréalisme, en tant que mouvement artistique constitué, refuse une place à la musique ? Qu’est-ce qui se joue derrière ce refus affiché ? Tentons d’ouvrir un rideau trop vite retombé sur la scène et d’apercevoir ce qui se trame en coulisse. La musique tient une place importante dans le travail surréaliste d’expérimentation et de révision absolue des valeurs, à tel point que, affirme Sébastien Arfouilloux, elle fait partie de l’esprit surréaliste. L’auteur propose ici un retour sur le jeu de mutuelles fascination et répulsion entre le mouvement artistique fondateur du début du XXe siècle et les musiciens. La figure hégémonique d’André Breton mais aussi tous ceux qui ont gravité dans l’orbite du mouvement surréaliste (de Tristan Tzara à Paul Éluard, d’Apollinaire à André Souris) sont ici sollicités, à travers les manifestes, les déclarations et surtout les œuvres, et alimentent une réflexion propre à bouleverser bien des représentations.
Sébastien Arfouilloux, auteur d’une thèse de doctorat (Sorbonne Paris IV), enseigne en collège et à l’IUFM de Paris.