Le narrateur, un adolescent maladif, arrive avec ses parents dans une ville dont l'accès est strictement réglementé. La rumeur dit qu'on y élabore un aliment secret capable d'apporter le bonheur à l'humanité. Dans cette atmosphère énigmatique, la vie qui pour les autres reste naturelle, ordinaire, semble au narrateur chose absurde et complètement insensée. Son imagination projette ses propres interprétations et permet à son esprit ultrasensible de détecter dans la réalité quelque chose d'insoupçonné par ceux qui se croient doués de sens et de raison. « Sans l'imagination, écrit l'auteur, que pourrions-nous vraiment savoir de nous-mêmes ? »
On retrouve dans ce texte l'atmosphère magique et suffocante de la prose romanesque de Kharitonov. Toujours renouvelé et toujours aux prises avec le surnaturel incrusté dans notre nature, l'écrivain ne cesse d'intriguer et de subjuguer, tressant la grande tradition gogolienne avec des éléments de science-fiction et ses propres envoûtements.
Né en 1937 à Jitomir, Mark Kharitonov vit à Moscou. Il est sorti sous les feux de la rampe avec l'attribution du premier Booker Prize russe en février 1992. Sont parus chez Fayard : la trilogie « Une philosophie provinciale » (Prokhor Menchoutine, Netchaïsk, la Mallette de Milachévitch), Un mode d'existence (prix du Meilleur Livre étranger essai 1997), Les Deux Ivan, Etude sur les masques, Une journée en février, le Gardien et le Voyant.
Illustration de couverture : Cremonini, La nuit chaude, 1978.