Au-delà de la mémoire, somme toute discrète (noms de familles, noms de villages et de paroisses), que notre temps garde de saint Martin, le personnage a eu un impact si
profond sur l’Eglise, la société, les empereurs et les rois dès le temps où il a vécu, et après sa mort pendant de très nombreux siècles, que saint Martin représente pour nos esprits modernes une sorte d’énigme. Autant que l’on puisse se représenter
en Occident la foi chrétienne et ses impacts au moins du ive au ixe siècle, et même jusqu’à l’époque moderne, il est bien vrai que saint Martin a eu une importance extraordinaire.
Ce n’est probablement pas par hasard s’il est aujourd’hui l’un des grands saints les moins bien connus du public : ce qu’il a apporté en son temps et aux siècles qui ont suivi est un message et un modèle qui expriment tout le contraire des idées que l’on a aujourd’hui le plus couramment sur la relation entre l’Occident d’autrefois et l’Eglise, où, en large part, la richesse imputée à l’Eglise et à ses ministres a pesé sur son message. Or Martin, même devenu évêque, est resté rivé à l’exigence personnelle de pauvreté. C’est cela même, avant tout, qui lui a valu, au bout du siècle qui a suivi sa mort, d’amener finalement une large part de l’épiscopat des Gaules à le donner implicitement en exemple en demandant en principe
à chaque évêque de vivre comme un pauvre.
Olivier Guillot, agrégé de droit, est professeur émérite de l’université Paris-Sorbonne en laquelle il a occupé pendant vingt ans la chaire d’Histoire des institutions du Moyen Age. Auteur d’une thèse d’Etat sur le comte d’Anjou au xie siècle, il a notamment publié, avec Yves Sassier et Albert Rigaudière, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale.