Ce troisième tome de la correspondance « posthume » d’Arthur Rimbaud consacré à l’édification du mythe Rimbaud couvre la période 1912-1921. Paterne Berrichon, le beau-frère du poète auto-érigé en défenseur de sa mémoire, s’y illustre dans diverses querelles : avec Remy de Gourmont, qui se gausse de la prétendue « héroïque pureté » du poète et affirme l’homosexualité de celui-ci ; avec Georges Izambard, que Berrichon accuse d’avoir instillé chez le jeune Rimbaud des idées révolutionnaires ; avec Marcel Coulon, qui eut l’audace de contester certaines idées de Berrichon sur Rimbaud ; avec Ernest Raynaud, enfin, dont la lecture de Paris se repeuple suscite les foudres du gardien du temple. Celui-ci n’est pas le seul, toutefois, à disputer l’interprétation de l’œuvre du poète, comme le prouve, en particulier, le différend entre André Suarès et Paul Claudel, chantre du Rimbaud catholique. Cette décennie voit par ailleurs paraître de nouvelles lettres inédites de Rimbaud, dont la célèbre lettre sur le poète « Voyant » publiée en 1912 dans la Nouvelle Revue française. La guerre éclipse les conflits de récupération et d’interprétation de l’œuvre du poète, mais creuse encore son tombeau : à l’occupation puis à la destruction de la ferme Rimbaud de Roche, dans laquelle est enseveli, avec de nombreux souvenirs, le second tome de la biographie de Rimbaud par Berrichon, s’ajoute la disparition d’Isabelle Rimbaud, de Paul Demeny, destinataire de la « Lettre du Voyant », et de son ami le poète Germain Nouveau. Alors que les futurs surréalistes entrent en scène avec la publication, en 1919, dans la toute jeune revue Littérature fondée par Breton, Aragon et Soupault, d’un poème inédit de Rimbaud, celui-ci, objet de multiples publications universitaires, devient bientôt un sujet de fiction. Rimbaud devient le héros d’une pièce de théâtre publiée en Allemagne, et Aragon en fait le personnage d’un de ses romans, annonçant l’engouement des surréalistes pour l’œuvre et l’épopée rimbaldiennes.