Personnage haï, personnage adulé, Thomas Garrigue Masaryk (1850-1937), premier président de la République tchécoslovaque, a été l'objet d'une abondante littérature pas toujours sereine, pour avoir contribué au démembrement de l'Autriche-Hongrie. Il est désigné à l'extérieur comme dirigeant nationaliste, alors que dans son pays il est victime de la haine des nationalistes. il y a été dénigré aussi bien comme homme de gauche que comme homme de droite. Les philosophes, les sociologues, les théologiens, les hommes politiques s'envoient son nom à la tête sans être tout à fait sûrs qu'il soit bien membre de leurs chapelles respectives. Sa foi a été niée, ou bien il a été accusé d'avoir une pensée religieuse. Il est tour à tour qualifié de moralisant ou d'immoral, de penseur académique ou d'anticonformiste. Est-il slovaque, par son père, ou bien tchèque, voire allemand par sa mère ? Est-il un conservateur englué dans le xixe siècle ou bien un audacieux progressiste trop facilement acquis à la modernité du xxe siècle ? Jusqu'à nos jours il est au centre de débats où son personnage, sinon la substance de sa pensée, est revendiqué par les uns et rejeté par les autres, pas toujours en connaissance de cause.
A.S.
Alain Soubigou, agrégé d'histoire, diplômé de l'INALCO en tchèque et slovaque, est professeur de khâgne et maître de conférences à Sciences-Po. Ce livre est le fruit de dix ans de travail dont cinq passés à dépouiller les archives de la République tchèque.