J'aimerais inviter à surmonter la résistance normale à l'autosubversion, et même proclamer haut et fort que se livrer à cette activité est chose vertueuse et séduisante.
" Pour commencer, je crois que ce que j'appelle l'autosubversion peut contribuer à nourrir une culture plus démocratique où, non contents d'avoir le droit de professer des opinions et des convictions personnelles, les citoyens sont prêts à les remettre en question à la lumière d'arguments et d'éléments inédits.
" De surcroît, tout comme Bachelard disait du mouvement freudien que c'était " une activité normale, une activité nouvelle, mieux une activité joyeuse ", se livrer à l'autosubversion peut être effectivement une activité positive et agréable. Lorsque je tombe sur une situation sociale où la défection stimule la prise de parole au lieu de l'affaiblir, ainsi que je l'avais longtemps pensé, je puis bien connaître un moment de perplexité et d'inquiétude à l'idée que ma théorie de la défection et de la prise de parole a été " falsifiée ". Mais passé cet instant, je me sens plus vivant puisque désormais j'ai de nouvelles relations, de nouvelles complexités à explorer. Wittgenstein, dit-on, confia un jour qu'" il ne pouvait se sentir réellement actif que lorsqu'il changeait de position philosophique pour élaborer autre chose ". A un moment ou à un autre de notre vie, l'autosubversion peut être en effet le moyen par excellence de se renouveler. "
Albert O. HIRSCHMAN
Albert O. Hirschman est professeur émérite en sciences sociales à l'Institute for advanced study de Princeton. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié en France Les Passions et les intérêts; Bonheur privé, action publique; Deux siècles de rhétorique réactionnaire et Défection et prise de parole.
" Pour commencer, je crois que ce que j'appelle l'autosubversion peut contribuer à nourrir une culture plus démocratique où, non contents d'avoir le droit de professer des opinions et des convictions personnelles, les citoyens sont prêts à les remettre en question à la lumière d'arguments et d'éléments inédits.
" De surcroît, tout comme Bachelard disait du mouvement freudien que c'était " une activité normale, une activité nouvelle, mieux une activité joyeuse ", se livrer à l'autosubversion peut être effectivement une activité positive et agréable. Lorsque je tombe sur une situation sociale où la défection stimule la prise de parole au lieu de l'affaiblir, ainsi que je l'avais longtemps pensé, je puis bien connaître un moment de perplexité et d'inquiétude à l'idée que ma théorie de la défection et de la prise de parole a été " falsifiée ". Mais passé cet instant, je me sens plus vivant puisque désormais j'ai de nouvelles relations, de nouvelles complexités à explorer. Wittgenstein, dit-on, confia un jour qu'" il ne pouvait se sentir réellement actif que lorsqu'il changeait de position philosophique pour élaborer autre chose ". A un moment ou à un autre de notre vie, l'autosubversion peut être en effet le moyen par excellence de se renouveler. "
Albert O. HIRSCHMAN
Albert O. Hirschman est professeur émérite en sciences sociales à l'Institute for advanced study de Princeton. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié en France Les Passions et les intérêts; Bonheur privé, action publique; Deux siècles de rhétorique réactionnaire et Défection et prise de parole.