C’est compliqué d’être juif. Surtout quand on ne l’est pas.
Mon père a cru protéger sa descendance en mettant
fin à sa lignée juive dans le ventre d’une non-juive. Ce faisant,
savait-il combien il me serait difficile de devenir un homme?
S’appeler Jean-Moïse Braitberg sans être juif, c’est à la fois un destin et un pied de nez! Cela crée des obligations et des dénégations.
Coincé entre identité et humanité, j’ai convoqué les fantômes qui m’habitent pour témoigner au tribunal de mon histoire:
un père juif rebelle au judaïsme, amateur de bon vin et de belles femmes ; une mère protestante qui aimait la terre entière
à l’exception de ses enfants; un oncle déporté devenu tortionnaire. Et puis une jeunesse dont je voudrais encore semer les paroles
de révolte, malgré le murmure assourdissant des six millions qui n’ont jamais cessé de se taire. Alors c’est aux survivants qu’il
me faut désormais survivre. Tant pis pour les bons sentiments.
Le peuple me fait peur, les femmes m’écorchent vif, le devoir
de mémoire me dégoûte, les religions me désespèrent, le sionisme me consterne. Et pourtant, sur la rage écumante des vagues
de colère scintille l’étincelle tendre de l’amitié, la lueur d’une
fraternité rêvée et le refus de toute forme de souffrance.
J.-M. B.
Après L’enfant qui maudit Dieu, Jean-Moïse Braitberg
poursuit son œuvre dans la veine de l’autobiographie contestataire et du réquisitoire drôlatique contre l’intolérance.