Rompant avec le ton de ses précédents essais, André Glucksmann nous livre ici un récit autobiographique où il se plaît à retrouver l’origine de sa révolte dans un épisode de son enfance qui joue le rôle de scène primitive : une colère qui le saisit lorsque, âgé de quelques années, il lance sa chaussure au milieu d’un rassemblement de notables, au lendemain de la guerre, dans une propriété qui accueille des orphelins juifs. Il tente ainsi à travers souvenirs et réminiscences de répondre à la question : comment une rage de môme est-elle devenue colère de toute une vie ? Au passage, il évoque le destin de son père, mystérieusement disparu en mer en 1940 après avoir été membre de l’Orchestre Rouge, et de sa mère, qui retournera vivre en Autriche après la guerre, tandis que lui choisit, enfant encore, de rester en France. Il décline aussi, au fil des pages, les références qui éclairent ses engagements, Hugo et Mallarmé notamment, et revenant sur la publication de La cuisinière et le mangeur d’hommes, en 1976, le sens d’une rupture avec la bienséance philosophique.