La signature de Vatel est aujourd’hui connue dans le monde entier. Ce personnage légendaire, qui a excellé dans les arts de la table sous Louis XIV, a eu un destin hors du commun. Né dans une famille de laboureurs du Nord, il entre chez Fouquet comme maître d’hôtel et devient son homme de confiance. Il fait preuve de multiples talents lors de la somptueuse fête de Vaux donnée en l’honneur du roi, trop fastueuse peut-être puisqu’elle achève de discréditer son maître. Dix ans plus tard, alors qu’il est depuis peu au service des princes de Condé, il est l’artisan d’une gigantesque réception dans leur château de Chantilly où tout doit être fait « pour le plus grand monarque du temps ». Il faut nourrir, divertir, loger près de deux mille invités, et cela du jeudi soir au samedi. Vatel ne verra pas la fin de la fête. Epuisement neveux, crainte du déshonneur ? Le vendredi matin, jour maigre, ne voyant pas la marée arriver, il met fin à ses jours. On l’enterre pendant que la fête continue.
Bien que Vatel n’ait jamais été cuisinier, son nom reste associé à la naissance de la grande cuisine française. Son geste final symbolise les exigences d’une époque où la table est un lieu de compétition entre les Grands du royaume. Les goûts changent, de nouveaux produits arrivent, le savoir-faire culinaire s’améliore. Cette recherche du raffinement, conjugée à des préoccupations diététiques, se reflète dans les traités de cuisine qui expliquent comment concilier les plaisirs du palais et ceux des yeux. Le Grand Siècle marque bien un tournant dans l’histoire de la gastronomie. Une gastronomie souvent proche de la nôtre, comme le montrent les recettes que l’on trouvera dans ce livre.
Dominique Michel, historienne de la cuisine du xvii e et xviii e siècle, est gastronome. Patrick Rambourg, historien, est cuisinier professionnel.
Ils travaillent tous deux dans l’équipe de Jean-Louis Flandrin.