Après avoir inspiré le taylorisme et la planification soviétique, le vieux rêve occidental de l’harmonie par le calcul a pris aujourd’hui la forme d’une gouvernance par les nombres, qui vise la réalisation efficace d’objectifs mesurables. Porté par la révolution numérique, ce nouvel imaginaire institutionnel est celui d’une société où la loi cède la place au programme et le gouvernement à la gouvernance. Mais les humains ne sont pas programmables. Dès lors que leur liberté et leur sécurité ne sont pas garanties par une loi s’appliquant également à tous, ils n’ont plus d’autre issue que de faire allégeance à plus fort qu’eux. Radicalisant l’aspiration à un pouvoir objectif, qui caractérisait déjà l’affirmation du règne de la loi, la gouvernance par les nombres donne ainsi paradoxalement le jour à un monde dominé par les liens d’allégeance.
Alain Supiot est professeur émérite au Collège de France (chaire « État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités ») et membre de l’Institut d’études avancées de Nantes.
Préface inédite
Alain Supiot est professeur émérite au Collège de France (chaire « État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités ») et membre de l’Institut d’études avancées de Nantes.
Préface inédite