Les voyageurs comme les familiers de la Chine découvrent tous, à un moment ou à un autre, l'importance de l?art des relations, ces codes de conduite spécifiques appelés guanxi. Les réformes de Deng Xiaoping ? résumées par son slogan « Enrichissez-vous ! » ? ont conduit les Chinois en quête de prospérité et désireux de s?affranchir du pouvoir à s'enrichir de et par les guanxi. Aussi présentes soient-elles dans la vie quotidienne, ces habitudes ne laissent pas d?interpeller puisque, sous une forme dévoyée, elles provoquent un glissement des codes éthiques anciens vers des pratiques de corruption généralisées. Inscrites dans la tradition, comment se développent-elles dans un contexte de modernisation aussi intense ? A quelles formes de pouvoir donnent-elles lieu parmi des élites nourries de rhétorique égalitaire ?
Présentant une large synthèse des meilleurs travaux existant sur les guanxi dans la sphère sociale ainsi qu?une enquête sans précédent sur leur influence dans le fonctionnement du régime depuis vingt-cinq ans, ce livre propose des perspectives inattendues. Il ne s'agit ni d'un retour à une tradition confucéenne immanente ni d?une situation inédite, car les guanxi ont joué un rôle considérable dès la période maoïste. Loin d?opposer vertu privée et corruption publique, ils offrent un miroir où société et politique réfléchissent leur image en vis-à-vis. A maints égards, ils ont permis la modernisation du régime en conciliant la continuité du parti et la professionnalisation des élites. Leurs effets sont donc ambigus, car ils perpétuent le régime en renouvelant ses dirigeants. Dans un espace politique qui entend faire de la méritocratie et de la technocratie la source d?une nouvelle légitimité socialiste, les guanxi alimentent aussi des formes de contestation recourant à la légalité et au droit. Ces nouveaux usages peuvent, à terme, engendrer des évolutions politiques importantes.